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Il était une fois un étudiant en médecine...
5 septembre 2013

5 septembre : la maltraitance à l'hôpital

La routine est dangereuse, la routine est "une salope", notamment dans notre métier, notamment dans le monde de l'hôpital, parce qu'elle nous rend aigris... C'est un état qu'il faut éviter à tout prix. L'aigreur est dangereuse parce qu'elle nous empêche de nous dédier pleinement à notre vocation. Au bout d'un certain nombre d'années, on en oublie le pourquoi, ce qui nous avait poussé à faire ce travail.

J'ai discuté l'autre jour avec une patiente en rééducation : elle était remontée, révoltée même, contre ce qui lui était arrivé à l'hôpital où elle avait été opérée. Après avoir écouté attentivement son histoire, j'ai compris pourquoi elle était blessée, et voulait raconter son histoire à tous ceux qui voudraient l'entendre. Je vais donc vous raconter son histoire pour lui faire justice et dénoncer la maltraitance dont elle a été l'objet... Car oui, la maltraitance ce n'est pas seulement un parent qui frappe son enfant, ou le laisse mourir de faim ! la maltraitance existe aussi dans le monde de la santé ! La maltraitance existe à travers la violence physique mais aussi verbale. La violence existe en hôpital, en EPAD, mais aussi en hospitalisation à domicile.

Cette patiente, d'un certain âge donc, s'était faite opérer d'une prothèse de hanche dans un hôpital parisien connu. L'opération s'était très bien déroulée. Néanmoins, suite à l'opération, elle est restée dans les vapes, pendant un moment, à cause des morphiniques administrés et de l'anesthésie. Quelques jours après l'opération, à la suite d'une séance de kiné, la patiente a demandé qu'on la conduise aux toilettes : les deux kinés l'ont donc emmené à la salle de bain, et lui ont dit qu'elle retournerait au lit toute seule, et s'en sont allés. La pauvre femme assise sur la cuvette déboussolée retourna tant bien que mal au lit sans être accompagnée, avec tous les dangers que cela comporte, alors qu'elle n'était pas en état de le faire. Ces deux kinés n'ont même pas pris la peine : de raccompagner la patiente, ni même de vérifier qu'elle était bien retournée au lit saine et sauve, et encore moins de prévenir l'équipe soignante.

Autre épisode lorsque la patiente a demandé à l'infirmière de bien vouloir lui ramener quelque chose. Celle-ci lui a répondu qu'elle y allait de suite, mais ne revenant pas comme promis, la patiente s'inquiéta et se leva tant bien que mal et arpenta le couloir à la recherche de la soignante qui en réalité, était en train de siroter son café dans la salle de repos, en discutant avec ses collègues. En voyant la patiente dans le couloir, elle se serait exclamée "mais qu'est-ce qu'elle me fait celle là !".

Ce soir là, la patiente logée dans une chambre double, voulu aller aux toilettes. Elle appuya donc sur la sonnette pour demander à l'infirmière de l'accompagner. Celle-ci lui dit ensuite que la fois prochaine, elle ne devrait pas sonner mais y aller toute seule ! La fois d'après donc, la patiente prise d'une envie pressante se leva du lit et se dirigea vers les WC, alors qu'elle était je le rappelle, sous effet de l'anesthésie. Mais incontinente à cause de l'opération, elle fut prise d'une fuite. Arrivée dans la salle de bain, elle fut prise d'un étourdissement et glissa sur ses urines avant de tomber sur le sol souillé. Sa voisine de chambre, alertée par le bruit de la chute sonna l'infirmière qui arriva. La patiente fut relevée puis ramenée au lit, et l'infirmière appela tout de même l'interne pour s'assurer que la patiente ne s'était pas cassée quelque chose. Le lendemain, lorsque le médecin demanda à la patiente ce qui s'était passé, l'infirmière la coupa et ne lui laissa pas raconter son histoire. Néanmoins, après que le médecin l'ait enguelé, l'infirmière est revenue avec une attitude toute autre, et somma la patiente de l'appeler si jamais elle voulait aller aux toilettes.

Bien entendu, toute l'équipe du service était au courant de ce qui s'était passé. Lorque la patiente demanda à voir la cadre pour se plaindre de l'attitude des soignantes, elle lui aurait dit "on oublie tout ça, et surtout, Madame, n'en parlez à personne !".

Alors bien sûr je ne pointe pas du doigt tous les soignants, toutes les infirmières ou aides soignants, qui font un travail merveilleux pour la majorité, et heureusement ; mais cette histoire m'a fait beaucoup de peine, sachant notamment que ce genre de situations était fréquent, et odieux, mais que je n'y pouvais rien faire, sinon ne pas agir de la même manière face à un patient. Je lui ai donc répondu qu'il était important qu'elle aille se plaindre auprès de la direction, et qu'elle ne laisse pas passer cette histoire.

Ce n'est pas le premier cas de maltraitance que j'ai pu voir durant ma courte carrière hospitalière, et sans doute pas le dernier. Lorsque j'ai travaillé en oncologie, une patiente avait sonné, suite à quoi je m'apprêtais à aller la voir, pour lui venir en aide. Une collègue aide soignante m'a alors retenu, et m'a dit : "non mais il ne faut pas courir voir le patient à chaque fois qu'il sonne, parce qu'il va prendre l'habitude d'être servi ! Ce n'est pas l'hôtel ici, c'est un hôpital. Toi tu n'es là qu'un certain temps, mais nous on est là toute l'année, et ça va nous embêter !". Si ce n'est pas de la maltraitance, et de l'irrespect envers la condition humaine, celle de gens malades, qu'est-ce donc ?

Je ne pense pas que ces cas soient isolés ! Je pense qu'il faut agir contre cette forme de violence ! Il est vrai que face à certains patients "difficiles", le soignant peut à un moment donné, baisser les bras, et s'insurger contre le patient. Mais ce n'est pas une raison pour agir de la sorte. Parfois, entre soignants, il arrive qu'on traite un patient difficile de caractère, de tous les noms, et c'est une réaction qui reflette tout à fait notre condition humaine (avec nos défauts et nos faiblesses), mais il faut qu'on fasse attention à ce que le patient ou sa famille ne l'entende pas, en vérifiant que la porte soit bien fermée par exemple. Le soignant réagit ainsi pour se protéger, face à un patient qu'il n'arrive pas à prendre en charge, parce que ce patient ne lui facilite pas la tâche, parce que ce patient ne semble pas vouloir guérir, aller mieux, parce que ce patient n'est pas "le patient idéal". Néanmoins, cela n'excuse pas les remontrances, ou les réactions de l'infimière ou de l'aide soignante dans les anecdotes citées plus haut. Etre humain ne nous empêche pas de faire correctement notre travail, et ainsi de ne pas négliger le patient qui a droit au même respect que les autres. Si un soignant n'arrive pas à appréhender un patient - ce qui peut être normal, le courant ne passe pas avec tout le monde - alors il se doit demander à un collègue de s'occuper de le patient... mais en aucun cas il ne doit laisser tomber le patient et lui dire de se débrouiller.

Je ne pense pas que ces infirmières étaient de mauvaises personnes, ou qu'elles faisaient mal leurs soins. Je pense plutôt que ce manque de considération pour la patiente était de la négligence... C'est quelque chose qu'il faudrait mieux contrôler au sein du monde hospitalier, que ce soit dans les services ou même au sein de l'administration. Beaucoup de patients se plaignent du fait qu'ils ont été mal reçu par le bureau des admissions par exemple, ou pas les gens qui travaillent à la caisse lorsqu'ils viennent régler les frais de séjour. Ce n'est pas parce qu'on ne travaille pas dans un service qu'on ne doit pas entendre la condition humaine ! Et c'est bien la différence je crois entre le public et le privé ! Alors oui, les médecins seraient peut être meilleurs dans le public (et encore ce n'est pas prouvé) mais au niveau des prestations, des relations humaines des équipes, du confort, de l'accueil, le privé semble l'emporter. Alors bien sûr, lorsque les chats ne sont pas là, les souris dansent !

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